« The acutest critic the world has seen » : le critique le plus pénétrant, le plus fin, qu’on ait jamais vu. L’éloge vient d’un orfèvre en la matière, Henry James, au début de l’article que le romancier américain consacra en 1875 à Sainte-Beuve. Les Français sont restés sourds, malheureusement, à cette déclaration et le XXe siècle a vu au contraire l’étoile du critique des Lundis singulièrement pâlir. Cautionnée par Proust et par Malraux, ratifiée par les pontifes de la « nouvelle critique », la condamnation de Sainte-Beuve et de sa « méthode » semblait d’autant plus indiscutable que ses œuvres n’étaient plus accessibles. C’est un triste constat : ni les Portraits contemporains ni les Causeries du lundi ni les Nouveaux lundis n’ont fait l’objet, au XXe siècle, de la moindre réédition. Depuis une vingtaine d’années, pourtant, on assiste simultanément au reflux de la « nouvelle critique » ainsi qu’à un renouveau éditorial autour de Sainte-Beuve. La présente édition des Portraits contemporains vient donc à son heure pour offrir au lecteur moderne, qui voudra s’y plonger, une source irremplaçable de connaissances sur le romantisme français, une réflexion sur le statut de la littérature, et une leçon d’indépendance intellectuelle.